Smart Data, RUST et RiscV, Cybersécurité, Cycle de vie des systèmes embarqués, merci aux adhérents d’Embedded France qui ont partagé leur passion de l’Embarqué au salon Green Tech forum
Année après année, le Green tech forum continue d’attirer un public toujours plus nombreux. Pour sa quatrième édition l’événement se déroulait pour la première fois au Palais des congrès et a affiché une participation toujours en hausse (+ 17 %).
Sujet phare, l’écoconception a fait l’objet de plusieurs rencontres. Embedded France a organisé à cette occasion son événement partenaire Planet Tech Care sur le Livre Blanc du cycle de vie des systèmes embarqués. Fruit des échanges au sein du groupe de travail écoconception (GT lancé par l’association en mai 2023), ce livre blanc part d’un constat : si le numérique et l’électronique, chacun de leur côté, ont mené des recherches afin de mieux comprendre leurs cycles de vie respectifs et établir des guides de bonnes pratiques, rien de tout cela n’existe encore pour les systèmes embarqués. « Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait travailler sur notre propre analyse en cycle de vie (ACV). Pour chaque étape, nous avons réalisé un recueil des bonnes pratiques et identifié là où se trouvent des manques » indique Justine Bonnot, CEO de Wedolow et pilote du groupe de travail. Entourée par Sébastien Loty (copilote) et responsable du pôle systèmes cyberphysiques au sein du CATIE, Grégory Pohu Directeur technique chez Viveris et Corentin Duroselle, responsable du pôle Cloud et IoT chez SMILE, Justine a présenté une première version de ce livre blanc. Ce document sera libre d’accès. Pour le recevoir, il suffit de cliquer sur ce lien. Premier objectif de ce livre blanc, « parler le même langage ». Le GT rassemble des acteurs divers, un pôle de compétitivité, des laboratoires de recherche, des écoles, des entreprises centrées sur le logiciels, d’autres plus orientées sur l’électronique, qui ont des visions différentes.
- A qui s’adressera-t-il ? « On s’adresse principalement aux industriels, à qui on souhaite proposer aussi des gains économiques, donner des clefs pour réduire le gaspillage en énergie, en ressources et améliorer l’efficacité d’un système».
L’aspect règlementaire n’est pas moins important dans un contexte où les gouvernements légifèrent sur l’écoconception.
- D’ores et déjà une série de bonnes pratiques ont été identifiées tant en début de vie qu’en fin de vie (réparabilité, recyclabilité, reconditionnement…). Le travail continue. Prochaines étapes : proposer des pistes d’amélioration là où des manques ont été identifiés, s’intéresser à des cas d’usage et donner un guide de bonnes pratiques précises sur ces cas spécifiques
L’opensource a le vent en poupe…
Autre thématique clef portée par Embedded France lors du Green Tech forum, l’opensource. L’association a orchestré une table ronde intitulée « RISC-V, RUST… face aux contraintes de souveraineté et d’environnement, le monde de l’embarqué accélère sa transformation vers l’open source » Organisée autour des questions de souveraineté, de durabilité, mais également sous l’angle des marchés cibles et des possibilités de déploiement, la table ronde a largement abordé la question de l’écoconception. « Le langage Rust est un parfait modèle d’éco-conception, qui optimise le temps de développement, la taille des équipes et la qualité du produit, ce qui se traduit par une diminution de l’énergie consommée et du CO2 généré sur le cycle de vie » indique ainsi Vivien Leger, Branch manager chez Capgemini Engineering.
« Il est possible de faire tourner les applications développées sous RUST sans OS, ajoute Angelo Corsaro CEO et CTO de Zettascale. Un comparatif Free OS vs Rust montre un facteur 10 sur la latence en faveur de Rust. »
D’ores et déjà certains industriels exigent des développements en langage RUST car Rust est un langage aussi performant que le langage C mais sécurisé.
Il permet d’offrir simultanément performance et sûreté ce qui se traduit par une approche plus frugale en terme de code que les autres langages.
Pour Magaly Gouttebroze, Business Development Manager à la Direction de La Recherche Technologique (DRT) au CEA de Saclay « l’architecture RISCV permet une innovation sans contrainte pour le monde académique, elle repose sur 4 grands piliers :
– Indépendance (préférée à souveraineté). La souveraineté a été retenue par l’Europe qui finance à travers ChipJU.
– Sécurité, qui permet à la communauté de traiter les failles
– Sûreté de fonctionnement, fiabilité par construction et mise à disposition de toutes les chaines outillées (détection de corruption,..)
– Efficience coût et temps, car les enjeux sont traités par l’ensemble de la communauté. »
Jérôme Quévremont ,RISC-V and open hardware Project leader au sein de la division Thales Research & Technology, rappelle de son côté la métaphore du colibri. Comme dans toutes les approches opensource, le recours à l’architecture RISCV raccourcit le temps et l’effort de développement, l’énergie nécessaire et le CO2 généré. Si le gain pour chaque SE développé reste modéré (car le SE est par nature frugale) en revanche le déploiement de cette approche dans de nombreux secteurs industriels générera des impacts significatifs. Quel impact réel ? C’est encore difficile à mesurer. Un exemple plus l’illustrer : « Thales a organisé un concours pour des étudiants utilisant son processeur CVA6 qui a démontré une accélération *8 du cœur du processeur, et une consommation d’énergie réduite d’autant ».
Pour tout système embarqué dont la priorité est un compromis entre performance, consommation énergétique, sécurité, sûreté, auditabilité et certification, on comprend aisément avec les points ci-dessus qu’une combinaison RISC V – Rust ait beaucoup de sens, conclut Magaly Gouttebroze
Smart data, ou l’intelligence forcément distribuée
Une autre manière d’être frugal c’est d’utiliser la bonne donnée au bon endroit au bon moment. La table ronde, « Smart data ou l’intelligence forcément distribuée » mettait en lumière le poids énergétique des dark data, (des datas inutiles) et la nécessité de capter les bonnes données, d’éviter de les faire voyager inutilement, ou de savoir trier les données pertinentes. Chacun des intervenants, Pauline Loygue de CTO de Green Communications, Jeanne Troplini ingénieur Lead chez Heex Communications et Amine Lasram de Sofia Technologies ont partagé leurs approches pour optimiser la donnée et son usage. L’outil mis au point par Heex Technologies permet grâce à des triggers de générer uniquement des données pertinentes dans le cloud ou l’Edge. En indexant, filtrant, labellisant la donnée, la solution permet également un gain considérable de temps. Heex travaille avec un constructeur français pour développer plus facilement des fonctionnalités ADAS. Green communications de son côté construit une approche où chacune des unités connectées à un réseau travaille en synergie avec ce réseau, une solution intitulée « l’internet des Edges ». Pour faire comprendre l’intérêt de ce réseau Pauline Loygue utilise une métaphore agro-alimentaire. « Il y a 20 ans encore dans Sud de la France les magasins de proximité proposaient des fruits et légumes locaux… qui avaient voyagé par Rungis. Aujourd’hui on privilégie les cycles courts pour acheter directement aux producteurs.» Autre atout de l’internet des Edges : sa résilience. « Les mises à jour se propagent comme un virus, de système en système ; en un point du réseau on met à jour tout le système, toutes les données… Et pour faire remonter alerte, on ne communique au reste du réseau que l’alerte elle-même et pas les données inutiles. » Un avis partagé par Amine Lasram. En 2011 il a lancé sa société Sofia Holding dont la filiale Sofia technologies propose des plateformes clefs en main pour des services de bout en bout.
« En 2011, tout le monde voulait passer par le cloud mais certaines fonctions marchent mal. Il a fallu chercher des architectures intermédiaires ».
II existe également des domaines où les opérateurs veulent que les données soient traitées localement. Par exemple en agriculture. Avec les stations météo connectées, « on analyse des données pour piloter l’irrigation et les produits de nutrition. En faisant cela on peut aider le client à diminuer de 30 à 40 % sa consommation d’eau. On est ouvert à toutes les plateformes du marché. Mais nos clients veulent avoir les informations… et piloter eux-mêmes. » constate le CEO de Sofia Holding.
Cybersécurité et environnement, contradiction ou synergie ?
Quand on parle de sobriété numérique quid de la cybersécurité ? C’est le sujet d’une autre table ronde du green tech forum, réunissant Capgemini, Secure IC, RS Strategy et Campus Cyber. Les deux approches semblent à priori antinomiques. La première cherche la simplification, l’allongement de vie des devices, pour minimiser l’impact environnemental. La seconde valorise les mises à jour régulières, les redondances. D’un autre côté, les dimensions environnementales et cyber sont complémentaires puisqu’elles sont les deux piliers d’un numérique de confiance. « Nos clients qui sont des fabricants de semi-conducteurs, des constructeurs automobile, des acteurs industriels sont à la recherche permanente du compromis cyber et environnement. Dans un appel d’offre une des premières questions posées est : quelle est la consommation d’énergie du bloc de cybersécurité que vous allez intégrer… » indique Hamza Triqui Head of Sales chez Secure -IC. Tout l’art consiste à construire une cybersécurité évolutive. « De même qu’on remplace un boulon dans une chaîne de production, de même on va remplacer un clef de chiffrement par une autre pour que les objets restent secure tout au long de leur cycle de vie. » Et donc pour allonger la durée de vie du produit.
En ce sens la cybersécurité peut aussi être un levier de l’approche environnementale du numérique.Même sur le plan technique les deux approches peuvent converger :
« Quand il s’agit d’implémenter une solution crypto dans une puce, une consommation forte est aussi source de rayonnement électromagnétique qui peut être le vecteur d’attaque malveillante. C’est notamment en écoutant des émissions électromagnétiques qu’on peut détecter la clef secrète d’une carte SIM. » Pour le spécialiste en cybersécurité, l’ enjeu de la consommation énergétique de son produit est avant tout pragmatique. Mais il s’avère qu’il y a aussi un impact environnemental positif…
Partenaire de l’initiative Planet Tech care et à ce titre membre du comité de programmation, Embedded France se réjouit que le Monde de l’Embarqué ait pu briller lors du dernier Green tech forum. Rendez-vous au prochain Green tech forum en 2025 avec de nouveaux sujets de réflexion et de belles perspectives d’échange.